28 Mai 2013
Train des vacances
Au bout des rails, la gare de Mauléon, frontière de la réalité enfantine.
Le train synonyme de voyage a fait rêver des générations de passagers. Sans parler de l’Orient-Express ou Agatha Christie situe l’intrigue de son célèbre roman et autres trains de légende, il y avait le train de l’enfance celui que Marie-Claude prenait pour aller passer ses vacances. Tout ce qu’elle découvrait à cette époque était propice à son imaginaire et elle avait cette faculté comme tous les enfants de transformer les images de ses voyages en histoires merveilleuses. Elle aime à se souvenir de ce passé, c’est sa façon de redevenir une enfant, de flotter dans l’intemporel pendant quelques instants.
Voyage au bout de la nuit
Gare d’Austerlitz une petite fille de huit ans s’apprête à prendre le train pour passer ses vacances dans la Soule. Quarante-neuf ans après elle se souvient. Je me remémore ce long trajet que j’ai effectué pendant de nombreuses années. Nous partions de la gare d’Austerlitz, je dis nous partions car nous étions une ribambelle d’enfants tous nés à Paris ou dans le département de la Seine de parents Basque vivant et travaillant loin de leurs racines non par plaisir mais par obligation. Une personne rentrant au pays, désignée par l’association des Basques de Paris nous accompagnait jusqu’à destination, nos parents nous rejoignaient au mois d’août. De la gare d’Austerlitz, je retiens le vacarme, l’odeur de la ferraille et le va-et-vient incessant des voyageurs. Tout cela me paraissait bien triste et surtout sans âme. C’était un train de nuit que nous prenions et qui partait de Paris vers 23 heures, après un dernier adieu à mes parents et quelques larmes, je montais dans le wagon et rejoignais le compartiment que m’indiquait Maïté Etchegoyen notre monitrice. Bien qu’il fasse nuit à cette heure-ci, je m’installais côté fenêtre pour pouvoir admirer le paysage, d’autres enfants me rejoignaient.
D’Austerlitz à Bordeaux
Au coup de sifflet du chef de gare, le train démarrait lentement, les grincements du passage du convoi sur les aiguillages s’intensifiaient puis prenant sa vitesse de croisière seul restait ce bruit caractéristique dû à la jonction des rails. Passé l’angoisse du départ, j’essayais de m’endormir car le parcours durait longtemps jusqu’à Bordeaux. Toute la nuit était ponctuée d’innombrables arrêts dans des gares dont je ne connaissais que quelques noms comme Saint Pierre des Corps (Tours), mais à chaque fois une voix nasillarde à travers des hauts parleurs transmettait toujours le même message, cinq minutes d’arrêt, les voyageurs en correspondance changent de train. Ma nuit se passait ainsi ponctuée de phases de sommeil et de réveil mariant des instants de plénitudes et d’inquiétudes.
Au petit matin le train ralentissait, je regardais à travers la fenêtre, nous passions sur le pont Eiffel sur la Garonne, on arrivait enfin à Bordeaux, j’apercevais la ville au loin, elle me semblait triste et noire mais peu importe c’était déjà du bonheur, nous étions à l’orée de notre pays. Lors de notre halte à la gare Saint-Jean nous prenions notre petit déjeuner préparé la veille par nos parents et transporté dans un petit sac rempli de victuailles.
De Bordeaux à Mauléon
Enfin c’était le départ, la communauté d’enfants se réveillait et commençait à s’agiter. La pression augmentait en traversant les Landes et après Dax cela devenait la folie, Maïté avait du mal à nous canaliser, enfin, encore quelques kilomètres et c’était l’arrivée à Puyôo.
Après une longue attente nous prenions un train tout en bois pour Mauléon. Sur une distance de 46 km, l’omnibus s’arrêtait douze fois, cela me paraissait interminable et près de l’arrivée après avoir passé Viodos, tous excités à l’approche du but, nous chantions « Agur Xiberoa» bonjour ceux de la Soule créait par Etxahum*. Enfin nous arrivions à Mauléon le cœur rempli de joie ou nous attendaient nos familles et là les vrais vacances commençaient.
* Etxahun-Iruri, nom sous lequel est plus connu Pierra Bordazarre (1908-1979), poète Basque.
Puyoo-Mauléon
La ligne fut ouverte le 11 avril 1887. La voie unique normale de 46 km fut alimentée en 1930 par l’électricité. Fin du service voyageur le 2 mars 1969.
Beñat LASSERRE