Une journée à l'hôpital de Tardets (Soule)

Le chat, Marcel et la Dame à la montre

Dans ce petit monde de personnes dépendantes, un peu de soleil de temps en temps vient donner un sens à leur vie.

Il y a Marcel, la vielle dame et aujourd’hui cet après midi le chat qui veut jouer. Il vient comme un printemps apporter sa joie de vivre, il est jeune, il veut jouer. Sur le toit de l’abri il observe les alentours et nous regarde comme pour nous défier. Il se roule sur le dos puis tout à coup se met à l’arrêt et observe le taillis en contre bas ou quelques moineaux viennent se reposer en piaillant. De loin on le dirait sauvage, je voudrais l’approcher mais peu être va-t-il s’enfuir ?

Je me lève du banc pour essayer d’aller le voir de plus près. En face une vieille dame assise regarde inlassablement sa montre qu’elle tient dans sa main à des intervalles ne dépassant pas la minute et même souvent beaucoup moins. Elle doit être obsédée par l’heure pourtant elle a tout son temps. Tout à coup le clocher proche de l’église carillonne. De vive voix la dame après avoir compté le nombre de coups de la cloche annonce clairement cinq heures, puis elle continue à se dandiner comme un balancier d’horloge avec une régularité de métronome. Elle continue malgré tout à regarder l’heure de plus en plus souvent. A cinq heures trente après le gong unique de la cloche elle se lève et nous salue d’un au revoir messieurs dames ; bénissant dans son fond intérieur ce moment qu’elle attendait depuis si longtemps et se dirige vers le bâtiment. Pourquoi réagit-elle ainsi ? Je ne sais pas, c’est peu être son horloge intérieure qui le lui dicte ? C’est en tout cas la seul chose qui fonctionne encore le mieux vu son état physique.

Marcel vient nous trouver. Comme à son habitude il se promène avec de nombreux objets. Aujourd’hui il a une sacoche, il me la montre et donne des explications que lui seul comprend. A ses doigts une bague qu’il ne manque pas de faire voir à tous les pensionnaires et aux personnes en visite.

A l’hôpital il est incontournable, il apparait partout, au détour d’un couloir ou dehors comme maintenant, il rend visite aux personnes de la buanderie. Il ne manque pas de me faire voir ses écrits et même si il est plus graphiste ou calligraphe qu’écrivain, il me montre sa littérature dont il garde le secret et ses histoires ne sont imaginaires que pour ceux qui comme moi sont profanes en la matière. Avant de repartir, il me montre le ciel sans nuages et bleu pour me dire que sa maman se trouve là haut, il est sans tristesse ou du moins je ne le perçois pas et il semble content qu’elle soit au ciel, je pense qu’il en est convaincu. Il rassemble ses affaires et s’en va voir ailleurs. Comme il a l’air heureux dans sa tête il est déjà prés des étoiles. A plus tard Marcel, à demain peut être.

En quelques minutes tous les pensionnaires ont disparus, le chat que je croyais sauvage s’approche de moi, je le caresse, il se prêtre à la situation, il se retourne pour me présenter son ventre afin d’obtenir mon affection. Je m’éloigne, il me suit, je m’arrête et continue à m’occuper de lui. Fait-il partir de l’hôpital ? Je n’en sais rien mais pour moi il fait partir des acteurs du jour. Repu de caresses, il s’éloigne d’un seul coup en me fixant de son regard perçant puis disparait dans un buisson.

Tout à coup je me retrouve seul comme perdu et surpris de cette scène de la vie d’un jour à l’hôpital de Tardets dont j’ai voulu parler pour montrer que la monotonie n’existe pas mais que la vie est bien là, même ici.